François Cristiani
En faisant quelques pas sur votre droite, vous apercevez le tombeau Cristiani. François Cristiani est inhumé ici mais sa plaque n’a pas encore été apposée.
La cérémonie du 8 mai commémore tous les ans la victoire des Alliés sur l'Allemagne nazie et la fin de la Seconde Guerre mondiale en Europe mais il faudra attendre la capitulation officielle du Japon le 2 septembre 1945 lorsque le ministre des Affaires étrangères Mamoru Shigemitsu signe les articles de la reddition des forces japonaises sur le pont de l'USS Missouri dans la baie de Tokyo pour que la Seconde Guerre mondiale prenne fin.
Après la chute de Vichy et l’installation de Gouvernement provisoire de la République française à Paris, le Japon prend conscience que l’Indochine désormais lui échappe et passe sous la tutelle d’un gouvernement en guerre contre lui. Le 9 mars à 19 heures, à Saïgon, l’ambassadeur japonais présente au gouverneur Général de l’Indochine, Decoux, un ultimatum (« le coup de force ») où il est stipulé que, conformément aux accords sur la défense commune notamment, les forces françaises doivent être placées sous commandement nippon. Avant même que n’expire l’ultimatum, l’armée japonaise attaque les troupes françaises partout en Indochine. C’est ce soir là qu’est arrêté François Cristiani, originaire d’Oletta et inhumé à cet endroit (la plaque n'a pas encore été apposée), policier en poste en Indochine. Il sera prisonnier des japonais dans le camp Pakson au Cambodge pendant 6 mois. Le camp de Pakson est situé au centre de l’Indochine près du petit village Laotien de Pakson. Il est divisé en deux parties, camp N°1 et camp n°2. Ouverts fin juin 1945, ces deux camps reçoivent 600 civils et militaires, considérés comme les plus hostiles aux japonais. « Les conditions de détention sont proches de celles de l’univers concentrationnaire nazi ». Ces lieux et camps de déportation sont officiellement reconnus par la France en 1951 comme ouvrant droit au titre de déportés après guerre. Nous avons retrouvé ses notes qui décrivent ce début de septembre 1945.
« Circonstances de mon envoi à PAKSON, camp de déportation militaire au Laos.
Le 9 mars 1945, à minuit, à ce moment, les sirènes d’alarme se sont mises en action dans la ville de Phnom Penh. Etant policier, j’avais eu pour consigne de rallier le commissariat central dans un tel cas. M’étant sorti du lit après m’être habillé, j’ai pris ma bicyclette, alors que les tirs d’armes à feu commençaient à se faire entendre, notamment du côté de la caserne que les soldats japonais attaquaient en priorité. Le blackout étant complet dans toute la ville, je me suis trouvé en présence du premier carrefour à des chevaux de frise et de barbelés qui m’empêchaient de passer. C’est là que des soldats japonais se sont emparés de moi et ils m’ont conduit sous la menace de leur arme dans une école qui se trouvait à proximité où ils m’ont ligoté contre un tronc d’arbre jusqu’au lever du jour.
Je faisais partie d’un deuxième convoi de déportés d’un peu plus de deux cents hommes.
Nous avons pris le départ de Phnom Penh sur des chaloupes et nous avons remonté le Mékong toujours sous bonne escorte militaire. Nous avons débarqué à Paksé sur le bord du Mékong et nous sommes entrés dans l’ancienne caserne de la garde nationale occupée désormais par les militaires japonais.
Nous avons été parqués dans la cour de la caserne, en plein soleil. Au bout d’un moment, nous avons entendu des cris en provenance du poste de garde et là nous avons vu sortir notre capitaine qui était le plus haut gradé de notre convoi. Il était entouré de soldats japonais qui l’insultaient et le rouaient de coups, puis ils l’ont conduit contre un mur et là un peloton d’exécution s’est mis en place rapidement et ils l’ont fusillé.
Après cette scène, c’est nous qu’ils ont fait aligner dans la cour. Des soldats japonais sous les ordres qui leur étaient donnés s’équipaient de leur fusil et venaient se mettre en ligne devant nous.
Ils se sont livrés à une parodie d’exécution, après le commandement de garde à vous, en joue, puis ils ont reposé leur arme au pied. C’est à ce moment-là qu’ils nous ont appris la raison de l’exécution de notre capitaine. Comme nous l’avait expliqué un interprète, c’était parce qu’il n’avait pas voulu signer ce papier qui disait en substance qu’il refusait de s’évader et qu’il obéirait aux ordres qui lui seraient donnés.
Nous n’avions pas le choix, nous avons tous signé ce papier, qui de toute évidence ne représentait rien puisque obtenu par la menace et sous la contrainte. Mais il n’empèche que n’ignorant pas le sort qui nous était destiné, nous portions tous dans notre cœur un sentiment de fierté à l’égard de notre capitaine qui les avait défiés.
La vie dans le camp se résumait à ceci :
Lever du jour – rassemblement sur la place – répartition des corvées. But : fournir les éléments de travail qui leur permettaient de construire une route et un pont en contrebas du camp (nous étions à mille mètres d’altitude).
Nous n’avions aucun soin, aucun médicament pour nous soigner (Il faut rappeler que les japonais n’adhéraient pas à la Croix Rouge Internationale).
Une corvée entre autres était redoutable et faisait de nombreux morts et blessés parmi nous. C’était celle qui consistait à acheminer de gros billots de bois, que des hommes du génie japonais avaient débités. Ils nous obligeaient à les mettre en bascule en haut de la colline dont le flanc tombait à pic vers la section de route qui était en voie de construction. Là, il fallait placer des moufles sur le tronc qui avait été équarri et posé en bascule, et au coup de sifflet, il fallait tirer pour le faire mouvoir. C’est cette corvée entre autres qui a fait le plus de victimes parmi nous.
Notre nourriture journalière consistait en une boule de riz le matin et une autre le soir pour chaque homme.
Lorsque le Japon a capitulé, ce devait être au début du mois de septembre. A cette époque nous avions déjà eu de nombreux décès et perdu le moral.
Un matin cependant, nous n’avons pas été rassemblés comme d’habitude sur la place et nous errions dans le camp trouvant cela bizarre. Nous avons flâné durant toute la journée sans que l’on s’intéresse à nous. Ce n’est que le lendemain alors que je me trouvais dans ma paillotte que j’ai entendu un grand cri , m’étant précipité dehors, je me suis trouvé au milieu de mes camarades militaires qui s’embrassaient et exprimaient leur joie en criant « c’est fini, nous sommes libérés ! la guerre est terminée ! ».
C’est là que j’ai appris que le lieutenant qui commandait le camp venait de signifier à notre lieutenant qui était le plus gradé après la mort du capitaine que l’armistice avait été signé et que la paix était rétablie.
Nous nous sommes tous groupés auprès du mât ou les japonais étaient en train de ramener leur drapeau. C’est alors que notre lieutenant a demandé à l’officier japonais s’il pouvait hisser le drapeau français. Grand étonnement de celui-ci qui lui dit qu’il n’y avait pas d’inconvénient mais que nous n’avions pas de drapeau avec nous. Notre lieutenant a dit alors à un soldat de sortir le drapeau français. Celui-ci s’est emparé d’un sac qui avait la forme d’un vague coussin tout sale. Notre lieutenant a alors demandé au gradé japonais de lui donner un canif, ce qui fut fait. Il a alors déchiré le sac et à l’intérieur, il y avait le drapeau français.
Histoire du drapeau : Lors de l’attaque de la caserne de Phnom Penh, le porte drapeau avait réussi à la camoufler en faisant un genre de coussin après avoir rentré les couleurs à l’intérieur, ne laissant que le blanc à l’extérieur et qu’il avait sali. (…) Le lieutenant a demandé également si on pouvait avoir quelques clairons. Le japonais a alors donné un ordre et les clairons japonais ont été tendus vers nos soldats clairons et c’est à la sonnerie des couleurs nous avons hissé le drapeau français tandis que descendait le drapeau japonais. Je dois relater toutefois un épisode qui s’est produit à ce moment là. Il y avait parmi les militaires de chez nous, trois soldats qui faisaient les mouchards auprès des japonais. On ne pouvait pas le nier car on les voyait qui mangeaient avec eux, échangeaient des plaisanteries et étaient dégagés de toutes corvées. C’est à ce moment que j’ai vu ses collègues se jeter sur eux et ils les ont etranglés sur place sans que les japonais ne fassent un geste en leur faveur.
Le lendemain nous reprenions la route du retour sur « Paksé » où nous avons embarqué à destination de Saïgon qui était le lieu de ralliement de tous les prisonniers faits par les japonais. La guerre n’était pas finie pour autant, nous sommes arrivés à Saïgon où malgré notre état physique lamentable, nous dûmes reprendre le combat afin de chasser le « Vietminh » de Saïgon.
Un chapitre était clos mais un autre s’ouvrait sur la guerre contre le Vietminh.
Notre retour en métropole s’avérait encore lointain car nous avons été maintenus sur place pour aider à la réunification du pays. »
En effet, le 2 septembre 1945 également, sur la Place Ba Dinh à Hanoi, Hô Chi Minh proclame l'indépendance de la République démocratique du Viêt Nam (RDV). Plusieurs négociations avec la France échouent et en décembre 1946 le conflit armé reprend, connu désormais sous le nom de guerre d’Indochine (de 1946 à 1954).
En faisant quelques pas sur votre gauche vous trouverez le tombeau des Guidi dont un olettais Paul Guidi occupa le poste d'administrateur général en Indochine et était ministre.
La cérémonie du 8 mai commémore tous les ans la victoire des Alliés sur l'Allemagne nazie et la fin de la Seconde Guerre mondiale en Europe mais il faudra attendre la capitulation officielle du Japon le 2 septembre 1945 lorsque le ministre des Affaires étrangères Mamoru Shigemitsu signe les articles de la reddition des forces japonaises sur le pont de l'USS Missouri dans la baie de Tokyo pour que la Seconde Guerre mondiale prenne fin.
Après la chute de Vichy et l’installation de Gouvernement provisoire de la République française à Paris, le Japon prend conscience que l’Indochine désormais lui échappe et passe sous la tutelle d’un gouvernement en guerre contre lui. Le 9 mars à 19 heures, à Saïgon, l’ambassadeur japonais présente au gouverneur Général de l’Indochine, Decoux, un ultimatum (« le coup de force ») où il est stipulé que, conformément aux accords sur la défense commune notamment, les forces françaises doivent être placées sous commandement nippon. Avant même que n’expire l’ultimatum, l’armée japonaise attaque les troupes françaises partout en Indochine. C’est ce soir là qu’est arrêté François Cristiani, originaire d’Oletta et inhumé à cet endroit (la plaque n'a pas encore été apposée), policier en poste en Indochine. Il sera prisonnier des japonais dans le camp Pakson au Cambodge pendant 6 mois. Le camp de Pakson est situé au centre de l’Indochine près du petit village Laotien de Pakson. Il est divisé en deux parties, camp N°1 et camp n°2. Ouverts fin juin 1945, ces deux camps reçoivent 600 civils et militaires, considérés comme les plus hostiles aux japonais. « Les conditions de détention sont proches de celles de l’univers concentrationnaire nazi ». Ces lieux et camps de déportation sont officiellement reconnus par la France en 1951 comme ouvrant droit au titre de déportés après guerre. Nous avons retrouvé ses notes qui décrivent ce début de septembre 1945.
« Circonstances de mon envoi à PAKSON, camp de déportation militaire au Laos.
Le 9 mars 1945, à minuit, à ce moment, les sirènes d’alarme se sont mises en action dans la ville de Phnom Penh. Etant policier, j’avais eu pour consigne de rallier le commissariat central dans un tel cas. M’étant sorti du lit après m’être habillé, j’ai pris ma bicyclette, alors que les tirs d’armes à feu commençaient à se faire entendre, notamment du côté de la caserne que les soldats japonais attaquaient en priorité. Le blackout étant complet dans toute la ville, je me suis trouvé en présence du premier carrefour à des chevaux de frise et de barbelés qui m’empêchaient de passer. C’est là que des soldats japonais se sont emparés de moi et ils m’ont conduit sous la menace de leur arme dans une école qui se trouvait à proximité où ils m’ont ligoté contre un tronc d’arbre jusqu’au lever du jour.
Je faisais partie d’un deuxième convoi de déportés d’un peu plus de deux cents hommes.
Nous avons pris le départ de Phnom Penh sur des chaloupes et nous avons remonté le Mékong toujours sous bonne escorte militaire. Nous avons débarqué à Paksé sur le bord du Mékong et nous sommes entrés dans l’ancienne caserne de la garde nationale occupée désormais par les militaires japonais.
Nous avons été parqués dans la cour de la caserne, en plein soleil. Au bout d’un moment, nous avons entendu des cris en provenance du poste de garde et là nous avons vu sortir notre capitaine qui était le plus haut gradé de notre convoi. Il était entouré de soldats japonais qui l’insultaient et le rouaient de coups, puis ils l’ont conduit contre un mur et là un peloton d’exécution s’est mis en place rapidement et ils l’ont fusillé.
Après cette scène, c’est nous qu’ils ont fait aligner dans la cour. Des soldats japonais sous les ordres qui leur étaient donnés s’équipaient de leur fusil et venaient se mettre en ligne devant nous.
Ils se sont livrés à une parodie d’exécution, après le commandement de garde à vous, en joue, puis ils ont reposé leur arme au pied. C’est à ce moment-là qu’ils nous ont appris la raison de l’exécution de notre capitaine. Comme nous l’avait expliqué un interprète, c’était parce qu’il n’avait pas voulu signer ce papier qui disait en substance qu’il refusait de s’évader et qu’il obéirait aux ordres qui lui seraient donnés.
Nous n’avions pas le choix, nous avons tous signé ce papier, qui de toute évidence ne représentait rien puisque obtenu par la menace et sous la contrainte. Mais il n’empèche que n’ignorant pas le sort qui nous était destiné, nous portions tous dans notre cœur un sentiment de fierté à l’égard de notre capitaine qui les avait défiés.
La vie dans le camp se résumait à ceci :
Lever du jour – rassemblement sur la place – répartition des corvées. But : fournir les éléments de travail qui leur permettaient de construire une route et un pont en contrebas du camp (nous étions à mille mètres d’altitude).
Nous n’avions aucun soin, aucun médicament pour nous soigner (Il faut rappeler que les japonais n’adhéraient pas à la Croix Rouge Internationale).
Une corvée entre autres était redoutable et faisait de nombreux morts et blessés parmi nous. C’était celle qui consistait à acheminer de gros billots de bois, que des hommes du génie japonais avaient débités. Ils nous obligeaient à les mettre en bascule en haut de la colline dont le flanc tombait à pic vers la section de route qui était en voie de construction. Là, il fallait placer des moufles sur le tronc qui avait été équarri et posé en bascule, et au coup de sifflet, il fallait tirer pour le faire mouvoir. C’est cette corvée entre autres qui a fait le plus de victimes parmi nous.
Notre nourriture journalière consistait en une boule de riz le matin et une autre le soir pour chaque homme.
Lorsque le Japon a capitulé, ce devait être au début du mois de septembre. A cette époque nous avions déjà eu de nombreux décès et perdu le moral.
Un matin cependant, nous n’avons pas été rassemblés comme d’habitude sur la place et nous errions dans le camp trouvant cela bizarre. Nous avons flâné durant toute la journée sans que l’on s’intéresse à nous. Ce n’est que le lendemain alors que je me trouvais dans ma paillotte que j’ai entendu un grand cri , m’étant précipité dehors, je me suis trouvé au milieu de mes camarades militaires qui s’embrassaient et exprimaient leur joie en criant « c’est fini, nous sommes libérés ! la guerre est terminée ! ».
C’est là que j’ai appris que le lieutenant qui commandait le camp venait de signifier à notre lieutenant qui était le plus gradé après la mort du capitaine que l’armistice avait été signé et que la paix était rétablie.
Nous nous sommes tous groupés auprès du mât ou les japonais étaient en train de ramener leur drapeau. C’est alors que notre lieutenant a demandé à l’officier japonais s’il pouvait hisser le drapeau français. Grand étonnement de celui-ci qui lui dit qu’il n’y avait pas d’inconvénient mais que nous n’avions pas de drapeau avec nous. Notre lieutenant a dit alors à un soldat de sortir le drapeau français. Celui-ci s’est emparé d’un sac qui avait la forme d’un vague coussin tout sale. Notre lieutenant a alors demandé au gradé japonais de lui donner un canif, ce qui fut fait. Il a alors déchiré le sac et à l’intérieur, il y avait le drapeau français.
Histoire du drapeau : Lors de l’attaque de la caserne de Phnom Penh, le porte drapeau avait réussi à la camoufler en faisant un genre de coussin après avoir rentré les couleurs à l’intérieur, ne laissant que le blanc à l’extérieur et qu’il avait sali. (…) Le lieutenant a demandé également si on pouvait avoir quelques clairons. Le japonais a alors donné un ordre et les clairons japonais ont été tendus vers nos soldats clairons et c’est à la sonnerie des couleurs nous avons hissé le drapeau français tandis que descendait le drapeau japonais. Je dois relater toutefois un épisode qui s’est produit à ce moment là. Il y avait parmi les militaires de chez nous, trois soldats qui faisaient les mouchards auprès des japonais. On ne pouvait pas le nier car on les voyait qui mangeaient avec eux, échangeaient des plaisanteries et étaient dégagés de toutes corvées. C’est à ce moment que j’ai vu ses collègues se jeter sur eux et ils les ont etranglés sur place sans que les japonais ne fassent un geste en leur faveur.
Le lendemain nous reprenions la route du retour sur « Paksé » où nous avons embarqué à destination de Saïgon qui était le lieu de ralliement de tous les prisonniers faits par les japonais. La guerre n’était pas finie pour autant, nous sommes arrivés à Saïgon où malgré notre état physique lamentable, nous dûmes reprendre le combat afin de chasser le « Vietminh » de Saïgon.
Un chapitre était clos mais un autre s’ouvrait sur la guerre contre le Vietminh.
Notre retour en métropole s’avérait encore lointain car nous avons été maintenus sur place pour aider à la réunification du pays. »
En effet, le 2 septembre 1945 également, sur la Place Ba Dinh à Hanoi, Hô Chi Minh proclame l'indépendance de la République démocratique du Viêt Nam (RDV). Plusieurs négociations avec la France échouent et en décembre 1946 le conflit armé reprend, connu désormais sous le nom de guerre d’Indochine (de 1946 à 1954).
En faisant quelques pas sur votre gauche vous trouverez le tombeau des Guidi dont un olettais Paul Guidi occupa le poste d'administrateur général en Indochine et était ministre.